Léo Ferré
La Banlieue
C’est pas tell’ment leurs yeux
Et leur manchon d’ fusain
Qu’on allum’ comme on peut
Dès que la nuit revient
Moi c’ qui m’ plaît chez les filles
C’est beaucoup mieux
C’est pas leurs longs cheveux
Largués sur l’oreiller
Comm’ des voil’s d’amoureux
Qui vont appareiller
Moi c’ qui m’ plaît chez les filles
C’est la banlieue

C’est pas tell’ment leurs bras
Comme un’ pinc’ multiprise
Et qui vous prenn’nt comm’ ça
Quand vient l’ temps des cerises
Moi c’ qui m’ plaît chez les filles
C’est beaucoup mieux
C’est pas tell’ment leurs lèvres
À rougir les aveux
Ni leur gorge de sèvres
À chanter l’ couvre-feu
Moi c’ qui m’ plaît chez les filles
C’est la banlieue
C’est pas tell’ment leur âme
Qui brill’ dans leurs yeux las
Ces lampes de la femme
S’usent quand on n’ s’en sert pas
Moi c’ qui m’ plaît chez les filles
C’est beaucoup mieux
C’est pas leurs mains de fée
À coudre au petit jour
La nappe où l’on refait
La noce après l’amour
Moi c’ qui m’ plaît chez les filles
C’est la banlieue

C’est pas dans leur Pigalle
Et leurs dentell’s western
Que j’ m’en vais fair’ la malle
Quand ma vie devient terne
Quand je brûle pour les filles
Au feu de dieu
C’est pas pour leur p’tit’ gueule
Que j’irais vendre mon âme
Et quand j’ me r’trouv’rai seul
Pour mes dernières gammes
Moi j’ crèv’rai sans un’ fille
Dans une banlieue