Léo Ferré
La poésie fout l’ camp, Villon !
Tu te balances compagnon
Comme une tringle dans le vent
Et le maroufle que l’on pend
Se fout pas mal de tes chansons
Tu peux toujours t’emmitoufler
Pour la saison chez Gallimard
Tu sais qu’avec ou sans guitare
On finit toujours sur les quais

La poésie fout l’ camp Villon !
Y a qu’ du néant sous du néon
Mais tes chansons même en argot
Ont quelques siècles sur le dos

Si je parle d’une ballade
À faire avec mon vieux hibou
On me demandera jusqu’où
Je pense aller en promenade
On ne sait pas dans mon quartier
Qu’une ballade en vers français
Ça se fait sur deux sous d’ papier
Et sans forcément promener

La poésie fout l’ camp Villon !
Y a qu’ des bêtas sous du béton
Mais tes chansons même en argot
Ont quelques siècles sur le dos
En mil neuf cent cinquante et plus
De tes jug’s on a les petits
Ça tient d’ famille à c’ que l’on dit
Ça s’ fout un’ robe et t’es pendu
Tu vois rien n’a tell’ment changé
À part le fait que tu n’es plus
Pour rimer les coups d’ pieds au cul
Que nous ne savons plus donner

La poésie fout l’ camp Villon !
Y a qu’ du néant sous du néon
Mais tes chansons même en argot
Ont quelques siècles sur le dos

Emmène-moi dedans ta nuit
Qu’est pas frangine avec la loi
« J’ordonne qu’après mon trépas
Ce qui est écrit soit écrit »
Y a des corbeaux qui traîn’nt ici
Peut-être qu’ils n’ont plus de pain
Et je n’attendrai pas demain
Pour qu’ils aient un peu de ma vie

La poésie fout l’ camp François !
Emmène-moi emmène-moi
Nous irons boire à Montfaucon
À la santé de la chanson