Léo Ferré
La muse Vénale
O muse de mon cœur, amante des palais
Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées
Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées
Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?

Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
Aux nocturnes rayons qui percent les volets ?
Sentant ta bourse à sec autant que ton palais
Récolteras-tu l'or des voûtes azurées ?

II te faut, pour gagner ton pain de chaque soir
Comme un enfant de chœur, jouer de l'encensoir
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère

Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas
Pour faire épanouir la rate du vulgaire