Pierre Perret
Marie-Lou
À la porte de Marie-Lou
Y a un superbe tapis-brosse
On pensait qu'il venait d'Écosse
Tant le toucher en était doux
C'étaient les poils du cul de ses amants
Y en avait un blond à Ferdinand
Un noir au curé d'Angoulême
Un qui déserta récemment
Des couilles d'un beau capitaine
Les p'tits frisés sont au sergent
C'ui qu'est mité, au commandant
Et tout le reste vient du régiment

Sur la langue de Marie-Lou
Y avait un cheveu magnifique
Quand elle parlait, c'était comique
Mais elle y tenait plus que tout
C'était le poil du cul de son amant
L'unique poil de Gaëtan
Un authentique aristocrate
Qui a déploré, sa vie durant
De pas pouvoir s'en faire des nattes
C'était pas celui de Constant
Qui en avait fait sa brosse à dents
Ni de Germain qui en a qu'un dans la main

Dans la grange de Marie-Lou
Y avait un tas de foin superbe
On crut qu'elle avait fauché l'herbe
Du printemps jusques au mois d'août
C'étaient les poils du cul de ses amants
Y avait les tout bouclés charmants
Des enfants d' cœur de Saint-Sulpice
Trois petits poils phosphorescents
D'un Chinois qui avait la jaunisse
Et une gerbe de crins blancs
D'un morutier du Groenland
Les autres venaient des moines du couvent

Sur le matelas de Marie-Lou
On s'irritait salement les meules
On l'eût dit plein jusqu'à la gueule
De chardons et branches de houx
C'étaient les poils du cul de ses amants
L'un fut arraché par le vent
Du cul d'un prieur de La Mecque
Y avait un poil encore fumant
Tombé d'une selle de bicyclette
Le poil d'un académicien
Qui marquait la page d'un livre ancien
Tout le restant venait des paroissiens

Sur la tombe de Marie-Lou
Dans un beau médaillon ovale
En guise de souvenez-vous
Luisait une touffe de poils
C'étaient les poils du cul de ses amants
Y en avait trois, couleur safran
Venant d'un bonze top-model
Un poil roussi appartenant
À un p'tit pompier d' La Rochelle
Les Chœurs de l'Armée rouge en ont
Trois cents noués par un cordon
Les autres étaient aux cosaques du Don !